lundi 9 décembre 2013

Compte rendu du colloque international sur l'éducation catholique tenu à Montréal

Près de cent cinquante personnes se pressaient à l’étage dans une salle pleine du Grand Séminaire de Montréal samedi matin pour assister au col­loque inter­na­tional qu’orga­nisait l’Asso­ciation des parents catho­liques du Québec. Le colloque se tenait sous la présidence de l’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine.
Table des matières
1. Mgr Christian Lépine
2. Me Jean-Yves Côté
3. Mme Barbara Séguin
4. Mme Anne Coffinier  (1re partie)
5. M. Paul Donovan
6. Mme Marguerite Bourbeau
7. Mme Anne Coffinier (2e partie)
8. M. Dominique Boily
1. Mgr Christian Lépine

Il fut le premier à intervenir pour rappeler les tenants de la doctrine catholique en matière d’éducation : les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Pour l’archevêque, la famille précède l’État. Ce droit est d’ailleurs inscrit à l’article 26 de Déclaration universelle des droits de l'homme :
3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.
Ce droit est tenu pour évident, il n’a pas à être justifié.

Évidemment, si les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, ils ne sont pas les seuls à pouvoir éduquer leur progéniture. Ils ont le droit d’être aidés.

La paroisse à un rôle à jouer, elle doit en effet servir les parents. Car, c’est un défi que d’être parent : il faut sagesse, formation et préparation. Les choses ne vont pas toutes seules. Il existe une alliance naturelle entre la famille et la paroisse, car cette dernière est un lieu de grâce, de ressources et de soutien mutuels. Il faut sans doute encore promouvoir ce lien.

Les parents se sentent démunis, l’école a un rôle indispensable, mais pas uniquement un rôle d’instruction, elle a également une dimension éducative. L’école est là pour servir les parents.

Mgr Lépine rappelle ensuite ces paroles de Jean-Paul II :
« La laïcité n'est pas le laïcisme ! Elle n'est autre que le respect de toutes les croyances de la part de l'État, qui assure le libre exercice des activités cultuelles, spirituelles, culturelles et caritatives des communautés de croyants. Dans une société pluraliste, la laïcité est un lieu de communication entre les diverses traditions spirituelles et la nation. »
Le rôle de l’État est de protéger l’espace de liberté d’une laïcité bien comprise.

On a cru que l’on respecterait la liberté des gens en expulsant la religion de la vie publique, mais cela débouche sur une absence de liberté, car la dimension spirituelle est une question cruciale, primordiale qui donne sens à la vie.

2. Me Jean-Yves Côté

Le second à intervenir est Me Jean-Yves Côté. Il rappelle son parcours : avocat dans la cause ECR pour les parents de Drummondville devant les cours supérieure et d’appel du Québec. Ensuite avocat à la Cour suprême dans le même dossier pour un regroupement d'associations. Il est également l’avocat désigné pour représenter la HSLDA comme intervenante dans l’affaire Loyola contre le Monopole de l’éducation (voir ce billet de vendredi).
L’avocat a ensuite passé en revue les différents types de scolarisation au Québec (école publique, privée, instruction à la maison) et la législation correspondante.

Pour Me Côté, la source du droit à l’instruction à la maison n’est pas l’article 15. 4° de la Loi sur l’instruction publique :
15. Est dispensé de l'obligation de fréquenter une école l'enfant qui:

4° reçoit à la maison un enseignement et y vit une expérience éducative qui, d'après une évaluation faite par la commission scolaire ou à sa demande, sont équivalents à ce qui est dispensé ou vécu à l'école.
La source est plus fondamentale, on la retrouve dans le Code civil aux articles 599, 601 et 605 :
599. Les père et mère ont, à l'égard de leur enfant, le droit et le devoir de garde, de surveillance et d'éducation.

601. Le titulaire de l'autorité parentale peut déléguer la garde, la surveillance ou l'éducation de l'enfant.

605. Que la garde de l'enfant ait été confiée à l'un des parents ou à une tierce personne, quelles qu'en soient les raisons, les père et mère conservent le droit de surveiller son entretien et son éducation et sont tenus d'y contribuer à proportion de leurs facultés.
Fort de son expérience devant les prétoires, l’avocat peut affirmer que les juges eux-mêmes pensent souvent à tort qu’il faut que les parents demandent à l’État la permission de faire l'instruction à domicile.

Or, pour le droit civil, le professeur à l’école n’est que le titulaire temporaire de l’autorité parentale. Il n'est pas, comme l’affirmait le professeur Bouchard (du rapport Bouchard-Taylor) quand il témoigna par vidéoconférence de Boston lors du procès de Drummondville, un agent de l’État, investi en quelque sorte d’une autorité qui lui viendrait de l’État.

On assiste aujourd’hui à une érosion, à une lente perte du droit des parents en matière d'éducation, alors que ce droit nous est plus favorable que la réalité et son interprétation dans l’imaginaire collectif. Il faut que les gens réagissent pour conserver ces droits sous peine de les perdre. « Utilisez-le ou perdez-le » de résumer Me Côté.

Pour Me Côté, qui est catholique mais travaille souvent dans des dossiers qui impliquent des protestants, les catholiques sont particulièrement assoupis. Si les parents dorment, ils perdront leur droit. Il faut être « fatigants ». L’homme de loi précise alors que, pour sa part, quand il est chargé d’un dossier avec la DPJ, la partie adverse (l’État) le trouve « bin mal commode », et c’est bien ainsi.

L’instruction à domicile est emblématique, car elle illustre le fait que l’autorité est détenue par les parents. Les commissions scolaires n’aiment pas l’école-maison et pourtant ce sont elles qui jugent l’instruction prodiguée à la maison comme équivalente ou non à celle dispensée par ses écoles. Elles sont donc juge et partie. Pourquoi sont-elles peu sympathiques envers l’école-maison ? Entre autres, pour des raisons financières : chaque élève dans une de ses écoles représente une somme d’environ 8000 $ en subventions, subventions perdues quand l’élève est instruit à domicile.

Les commissions scolaires essaient parfois de faire intervenir la DPJ pour faire pression sur les parents trop originaux. Mais la DPJ sait qu’elle risque de perdre (la loi ne lui est pas favorable) si elle n’intervient sque sur l'aspect de l'instruction à la maison, elle ajoute donc habituellement d’autres griefs comme la « négligence en soins de santé ».

Pour ce qui est de l'enseignement confessionnel, celui-ci n’est plus autorisé dans le public. Les parents religieux n’ont même pas droit à l’exemption à un programme à contenu religieux et moral comme ECR (l'État prétend qu'il est « neutre ») alors que les athées ou les minorités religieuses avaient ce droit. [Ajoutons qu’ils pouvaient choisir entre plusieurs réseaux confessionnels scolaires, alors que le cours ECR est imposé partout.] Les laïcistes aujourd’hui sont plus intolérants que les catholiques ne l’étaient.

Donc la confessionnalité est « réglée » dans le public, mais on voit bien que maintenant c’est le privé qui est attaqué. Car c’est au nom de la « déconfessionnalisation » que le ministère de l’Éducation du Québec a dit vouloir imposer l’approche « laïque » du cours ECR et interdire une approche « catholique » à l’école catholique qu’est Loyola. Il est probable qu’en troisième période l’État s’attaquera à l’instruction à la maison. Me Côté n’a pas dit comment l’État s’assurerait que les parents resteraient neutres quand ils parleront à leurs enfants pendant le cours ECR donné dans leur foyer. Faudra-t-il que le cours ECR soit prodigué par des tiers suffisamment neutres ?

Enfin, l’avoué s’est penché sur la Loi des Évêques catholiques romains du Québec qui permet aux évêques de fonder et de gérer des « collèges, maisons d’enseignement ou d’éducation » (une loi similaire existe pour les autres confessions religieuses : la Loi sur les corporations religieuses). Les évêques sont donc assimilés à des sociétés (des « corporations »), des personnes morales qui peuvent fonder des écoles et y enseigner (articles 9 et 10).

Or, dans l’affaire Loyola, le gouvernement plaide que Loyola (une personne morale) ne peut invoquer le respect de sa liberté religieuse, car seules les personnes physiques le peuvent. Si cette prétention devait être confirmée par la Cour suprême du Canada, cela pourrait avoir des conséquences dans de très nombreux secteurs d’activités de l’évêque et des écoles.

3. Mme Barbara Séguin

La troisième intervenante ce matin est Mme Barbara Séguin qui, en collaboration avec M. Guy Guindon, un sulpicien, anime un regroupement catholique de parents éducateurs à domicile. Ce regroupement est né d'un an d'effort. Il existe déjà deux associations de parents éducateurs à la maison, mais elles ne visent pas à représenter les parents catholiques.

Cette association vise à mettre en place une bibliothèque, de collaborer avec une future école authentiquement catholique pour faire reconnaître les acquis des enfants instruits à l'école à la maison, comme cela existe aux États-Unis. L'association organise également des ressourcements cinq fois par an auxquels participent des mères et leurs enfants.

Pour cette association, l'instruction à domicile ne consiste pas à sortir les enfants de la société, mais de les équiper pour mieux y rentrer.

4. Mme Anne Coffinier (1re partie)

Après une brève pause, c’est au tour d’Anne Coffinier de prendre la parole. Il s’agit de la présidente fondatrice de l'association française Créer son école. Elle est énarque (diplômée de l’École Nationale d’Administration). À l'issue de ses études, elle a rejoint le Quai d'Orsay comme diplomate. Elle est mère de quatre enfants.

Pour Anne Coffinier, les parents sont les seuls légitimes non seulement pour ce qui est de l’éducation des enfants, mais également en ce qui a trait au choix d’instruction. Or, aujourd’hui, notamment en France, on assiste à une contestation du primat de la légitimité parentale. C’est ainsi que l’actuel ministre de l’Éducation socialiste, Vincent Peillon, a indiqué que l’État doit « arracher l'élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ». On assiste à une prétention de plus en plus hégémonique de la part de l’État.

Dans le même sens, les chartes des droits de l’enfant trahissent le jeunisme de notre société contemporaine qui idéalise le jeune encore informe, qui devient un modèle pour l’adulte, un vieux à la remorque du jeune forcément génial, inventif. Ces chartes opposent dans les faits les intérêts des parents et de leurs enfants, avec l’État comme arbitre.

Récemment encore en Grande-Bretagne, une famille trop conservatrice s’est vu interdire par l'État la possibilité d’adopter des enfants parce que, considérant l'homosexualité comme un péché, ils ne pourraient pas accueillir « correctement » des enfants qui un jour voudraient devenir homosexuels…

Dans certains pays à l’époque soviétique [note du Carnet : et au Canada anglais quand le français fut interdit], dans certains pays crispés, les parents sont obligés de ruser avec l’État et ses inspecteurs en adoptant deux ensembles de manuels : ceux utilisés en classe et d’autres destinés aux inspecteurs gouvernementaux.

La liberté scolaire est importante. Cela signifie la liberté pour une école de choisir son programme scolaire, son régime pédagogique, pas uniquement dans une matière. Un bon cours de religion ne servira de rien si le reste du programme, en français, en histoire, en philosophie, déconstruit cette base. Car ces matières, par le biais de la transversalité, abordent également des enjeux religieux et moraux.

La liberté scolaire est également cruciale pour la santé du système éducatif, car, par la concurrence qu'elle entretient, elle aiguillonne les écoles publiques. Promouvoir la liberté scolaire, c’est défendre les droits de la société en général. Le philosophe Condorcet avait bien compris qu’on n’évite le sectarisme et la dégénérescence que par cette émulation.

On a d’ailleurs pu observer en France que, là où il existe un fort réseau d’écoles privées, l’école publique est de meilleure qualité. Il ne faut pas se laisser culpabiliser quand nous demandons des écoles libres.

Il s’agit d’une bataille de civilisation. Comment peut-on parler de vie démocratique, de pluralité, de débat si on ne peut fonder des écoles libres, si on ne peut pas transmettre à ses enfants une culture qui nous ressemble ? La liberté scolaire permet de lutter contre le « consensualisme » qui menace nos sociétés, y compris la québécoise.

La philosophe Hannah Arendt disait que l’enseignement est structurellement conservateur puisqu’il s’agit de transmettre une langue que nous héritons toujours et ce que les générations ont accumulé de mieux en termes de sagesse, de savoirs, de science, d’œuvres littéraires.

Le combat pour l’école libre dépasse celui de la transmission de la foi, car après tout la paroisse est aussi là pour cela. Il faut lutter pour pouvoir choisir un programme libre dans son ensemble. Alors, comment faire ?

Il faut que les promoteurs de la liberté scolaire soient exemplaires et que leur enseignement dans les matières profanes soit également excellent. De la sorte, les écoles catholiques libres seront fréquentées par des non-catholiques, ce qui ne pourra qu’être bénéfique pour ces enfants, mais aussi pour leurs parents. En outre, grâce à cette ouverture, on évite le repli sur soi.

Il semble qu’aujourd’hui les évêques se désintéressent de ces questions, parce que l’État décide des programmes et des manuels.

Les parents doivent aider les prêtres et leur évêque. Il faut songer à des compléments aux programmes, à rendre disponibles d’autres manuels scolaires. Cela avec l’appui des évêques, mais grâce à l’information fournie par les parents sur ce qui se fait aujourd’hui à l’école.

La directrice de Créer son école dresse ensuite un portrait de la situation en France. Quatre-vingts pour cent des écoles sont des écoles gouvernementales. Environ 8 % sont des écoles privées subventionnées qui suivent le programme gouvernemental et, notamment, ne peuvent pas décider du recrutement de leurs enseignants. Ce nombre d’écoles est, dans la pratique, limité par le gouvernement : quand on ferme des écoles publiques, l’État diminue également systématiquement l’enveloppe budgétaire qu’il alloue aux écoles privées subventionnées alors qu’elles sont populaires auprès des parents. Reste environ un pour cent d’écoles libres non subventionnées et moins d’un pour cent d’enfants instruits à la maison. Cette dernière option est d’ailleurs de plus en plus populaire auprès des musulmans à cause de l’interdiction du port du voile dans les écoles publiques françaises.

Pour Mgr Cattenoz, les écoles catholiques « sous contrat » d’État n’ont souvent plus de catholiques que le nom. En effet, on assiste à une « décatholicisation » de ces écoles qui ne peuvent recruter elles-mêmes leurs enseignants afin qu’ils respectent la nature catholique (à l’origine) de ces écoles.

L'association Créer son école a mis sur pied une fondation, la Fondation pour l'école qui a été reconnue d'utilité publique en 2008. Ceux qui s'adressent à la Fondation pour l'école pour fonder une école sont des gens qui méprisent l’argent. Leurs écoles sont libres, mais complètement désargentées. Il y en a, néanmoins, de plus en plus. De 19 nouvelles écoles indépendantes supplémentaires ouvertes à la rentrée 2008, ce nombre est passé à 21 en 2009, 21 en 2010, 25 en 2011, 35 en 2012 pour atteindre 37 à la rentrée 2013.

Les catholiques ne doivent pas chercher la bénédiction de leur évêque dès la fondation de leur école. C’est prématuré. Il faut garder à l’esprit qu’une nouvelle école, c’est un peu le chaos au début. Une mauvaise école libre n’attire pas longtemps les familles, elle ferme vite si elle ne corrige pas le tir. Il faut donc que l’équipe scolaire fasse ses preuves, que les choses se stabilisent avant de s’attendre à recevoir le soutien d’un évêque.

Quelles sont les conditions de réussite ? Il faut des professeurs vraiment libres et très compétents. Si le baccalauréat en éducation est très léger, comme cela semble être le cas ici, il faut alors le cumuler avec un autre bac.

Il faut également des programmes plus sain(t)s. On pourra s’inspirer de ce qui se fait dans la francophonie : en Suisse, en Belgique et en France. Par exemple, on pourra utiliser des manuels comme ceux publiés par la Librairie des écoles qui a, notamment, traduit en français la méthode Singapour en mathématiques.

[Note du carnet : manuels qu’on considérera sans doute « cahiers d’activités » au Québec pour éviter de devoir les faire approuver par le Bureau d’approbation du matériel didactique. Voir article 35 de la Loi sur l'enseignement privé.]

On peut aussi essayer de s’associer à des communautés religieuses. C’est ainsi qu’en France une école s’est associée à un ordre qui n’a pas a priori de tradition scolaire (dans l’Hexagone) comme les Bénédictins. Il faut dire que, dans ce monastère, la moyenne d’âge est de quarante ans.

Pour ce qui est des permis, il faut voir s’il y a moyen de profiter de permis d’écoles déjà établies. Quant au financement, si les écoles non subventionnées sont aussi contrôlées que les écoles subventionnées, il vaut mieux demander des subventions. Enfin, il faut considérer la mise en place de fondations qui sont habilitées à recevoir legs et donations exonérés d’impôts (du moins dans certains pays) ou qui ouvrent à des réductions d'impôt et qui pourront soutenir les écoles indépendantes.

5. M. Paul Donovan

Paul Donovan, directeur de l’école secondaire Loyola, aborde ensuite la question du projet scolaire catholique. Il rappelle avec humour que son école est jésuite « et donc catholique pour ceux qui ne le savent pas ».

Le monde aujourd’hui peut être effrayant pour les familles qui ont des enfants, car il est particulièrement séculier et soumis à un athéisme militant.

L’école catholique doit offrir un climat en harmonie avec les convictions des parents catholiques, mais elle ne peut être à l’abri du monde. Elle doit être évangélisatrice, missionnaire et elle doit être en mesure de donner des éléments nécessaires aux jeunes pour vivre dans la société actuelle.

Il faut rappeler la contribution sociale des diplômés de l’école privée. Comme l’avait révélé une étude de Cardus en 2012, les diplômés d'écoles non gouvernementales sont plus souvent membres d'associations communautaires ou de quartier, ils participent également à plus d'activités artistiques et culturelles. Les diplômés des écoles non confessionnelles indépendantes, en particulier, votent plus, font plus de bénévolat, et participent dans une plus grande variété d'organismes. Ils sont aussi plus généreux: les diplômés des écoles non gouvernementales écoles consacrent plus de temps au bénévolat que leurs homologues des écoles publiques.

[Note du carnet : cela semble être également lié à leur foi en général comme en témoigne la forte corrélation identifiée par Statistiques Canada entre la religion des contribuables et leur contribution à des organismes de bienfaisance qu’ils soient religieux ou non.]

Notons que les diplômés d'écoles séparées en Ontario (les écoles francophones subventionnées dites catholiques) se comparent défavorablement aux anciens des écoles privées confessionnelles et ne contribuent pas plus que les diplômés des écoles publiques. Il semble bien que plus l’État intervient, moins il y a de contribution sociale.

Depuis 15 ans, être catholique est plus important pour Loyola. Depuis 15 ans, car cela ne fut pas toujours le cas.

Un des plus grands défis dans une école catholique ce n'est pas l’éducation des élèves, mais celle des parents qui sont souvent peu catholiques. Il faut dire aux écoliers et aux parents qu’ils sont enfants de Dieu et que c’est là la source de l’estime de soi, pas l’absence d’échec scolaire ou de réprimandes.

Il faut aussi faire comprendre aux élèves pourquoi ils sont ici : les aider à trouver leur place dans le monde. Il ne s’agit pas simplement de former de futurs avocats, il faut aussi qu’ils contribuent à la société autour d’eux. Loyola n’a pas vocation à former des élèves pour le monde, mais à former des élèves qui changeront le monde.

Le directeur de Loyola a alors abordé ses relations avec le ministère de l’Éducation du Québec (MELS). Il note d’abord qu’il n’est pas obligé d’utiliser les manuels approuvés par le MELS. En outre, dans presque toutes les matières Loyola est libre d’ajouter à la matière prescrite, d’adopter une optique qui s’accorde avec sa mission catholique. Le seul programme pour lequel cela est explicitement interdit est le programme d’éthique et de culture religieuse (ECR).

[Notons que la grille horaire (le nombre d'heures à consacré à chaque matière), le programme et les examens du ministère sont imposés aux écoles privées du Québec. En outre, selon cet éminent économiste, il existe de nombreuses autres entraves à la liberté scolaire au Québec : choix du personnel limité, droit de réclame restreint, entrave à la liberté de fixation du prix, etc.]

Quand le gouvernement s’est opposé au cours de religions du monde et de morale que Loyola voulait que le MELS reconnaisse comme équivalent au programme d’ECR, parmi les six objections du gouvernement cinq étaient fondées sur le fait que Loyola adoptait une vision catholique. Il est clair alors que ce rejet s’attaquait à la liberté religieuse de l'école et de son corps enseignant.

Un membre de l’assistance a demandé pourquoi Loyola était la seule école qui se soit opposée ouvertement au programme ECR. Parmi les raisons, Paul Donovan a identifié le fait que certaines écoles faisaient simplement, sans demander l’autorisation du MELS, ce que Loyola demandait pouvoir faire. C’est ce le cas, notamment, de cette école de Trois-Rivières dont le directeur avait déclaré, après la victoire de Loyola en première instance, qu'il n'était pas concerné par la décision favorable à Loyola car l'enseignement religieux catholique y était dispensé à l'intérieur de la formation ECR, que « C'est intégré l'un dans l'autre ». Quand la journaliste l’avait informé que c’était interdit, le directeur avait affirmé : « Je suis un peu surpris. J'ai toujours compris que les écoles privées, qui sont presque toutes confessionnelles, avaient l'opportunité de maintenir ce qu'elles ont toujours été », avant de souligner que le programme d'initiation aux sacrements est également offert aux élèves du primaire du CMI [l'école en question], à l'intérieur toujours de la grille horaire. [Note du carnet : Encore une chose interdite dans la grille horaire, si on en croit la journaliste qui rapporte ces réactions.]

Une autre question porta sur la possibilité de créer une école satellite francophone à Loyola. Le directeur Donovan a mentionné que la chose pourrait se produire, entre autres raisons pour améliorer le niveau de français des élèves de Loyola.

6. Mme Marguerite Bourbeau

Mme Marguerite Bourbeau de Québec a ensuite présenté l’Association Notre-Dame des Écoles et le Petit Séminaire diocésain de Québec, fondé par Mgr Marc Ouellet. Le Petit Séminaire est un milieu de vie, un type d’internat conçu pour donner une « formation spirituelle particulière à des jeunes de niveau secondaire visant ainsi à former de bons chrétiens et à favoriser la réponse à un appel possible à la vocation sacerdotale ». Le Petit Séminaire n’est pas une école à ce stade, les petits séminaristes étudient dans des écoles de Québec. Toutefois, l’avenir dépend de la fondation d’une école catholique qui réponde mieux aux besoins des parents et aux enfants confiés au Petit Séminaire.

7. Mme Anne Coffinier (2e partie)

Anne Coffinier est revenue cette après-midi sur l’association Créer son école et la Fondation pour l’école qu’elle dirige. Créer son école a été fondée en 2004 afin de fournir une aide technique aux parents désireux de fonder un établissement scolaire.

Il s’agissait de résoudre un ensemble de problèmes :
  • La qualité souvent insuffisante des maîtres au primaire dans certaines écoles indépendantes; or la qualité est très importante, car l’école est un marqueur social. Une bonne école avec des enseignants exigeants est bien vue par les recruteurs.
  • Le manque d’argent. Celui-ci entraîne indirectement un grand taux de roulement dans le personnel des écoles indépendantes dès que les jeunes filles bénévoles ou mal payées qui y enseignent ont charge de famille.
  • Une mauvaise perception de la liberté scolaire, de l’importance du choix.
Pour résoudre le problème de la formation, la Fondation pour l’école a lancé l’ILFM (Institut libre de formation des maîtres) en septembre 2007. Il s’agit d’un institut privé d’enseignement supérieur qui prépare au métier de maître d’école primaire dans les écoles entièrement libres. L’ILFM compte environ cent étudiants par an. Dans le cadre des cours comme des stages, les étudiants découvrent des pratiques pédagogiques éprouvées, des éducateurs qui ont développé une sagesse d’enseignement. Ils profitent d’une série de conférences de médecins ou spécialistes des troubles de l’apprentissage pour apprendre à détecter les problèmes (précocité, troubles de l’attention, dyslexie, etc.) et à développer des pratiques pédagogiques ou parascolaires adaptées aux besoins des élèves.

L’ambition humaniste de l’ILFM conduit tout naturellement l’ILFM à mettre l’accent dans son enseignement sur la maîtrise de la langue française, condition sine qua non de toute pensée libre. À ce sujet, Mme Coffinier relate le témoignage de Laurent Lafforgue, médaille Fields (le prix Nobel des mathématiques), venu expliquer l’importance de la maîtrise du français en mathématiques comme base essentielle à toute pensée et démonstration structurées en mathématiques.

Depuis peu, l’ILFM bénéficie de la certification professionnelle des titres de maître d'école qu’il décerne. Ceci permet à l’institut d’être financé grâce à la taxe d’apprentissage que doivent verser les entreprises françaises.

Quant au financement des écoles, il pourrait être résolu en adoptant une politique de bons scolaires (aussi appelés chèques-éducation) où l’argent nécessaire à l’instruction d’un enfant l’accompagne qu’il fréquente une école publique ou privée. De la sorte, non seulement les écoles privées seraient mieux financées, mais l’école privée ne serait plus réservée aux familles nanties. Il s’agit donc d’une mesure de justice sociale. Une solution similaire consiste à accorder un crédit d’impôt aux parents qui correspond à un prix considéré comme juste pour l’instruction d’un élève.

Malheureusement, il existe une hostilité à l’égard de cette solution de la part des partis politiques en France :
  • La droite s’y oppose sans trop dire pourquoi, mais on peut soupçonner qu'une partie de celle-ci craint que trop d’écoles musulmanes ne soient financées de la sorte.
  • Quant à la gauche laïcarde, elle y voit un mécanisme qui renforcerait l’école catholique, ce qui est exclu.
[Au Québec, il en va de même depuis la fin de l'ADQ : plus aucun parti important ne fait la promotion des bons scolaires, alors que dans un sondage récent de Léger-Marketing 55 % des Québécois se montraient très ouverts à la mise en place des chèques-éducation.]

Malgré une baisse de niveau de plus en plus grave, alors qu’il existerait des moyens d’améliorer le système éducatif en le libérant et en le finançant en fonction du nombre d’élèves qui fréquentent les écoles, on a l’impression que l’élite du pays se désintéresse de la question de la qualité de l’enseignement. Le fait que celle-ci parvient toujours à envoyer ces enfants dans des écoles de très bonne qualité pourrait expliquer ce désintéressement.

Un intervenant dans la salle demande à Mme Coffinier comment on pourrait généraliser l’idée de chèques-éducation, car cela ne pourrait qu'augmenter les coûts pour le Trésor public puisqu’actuellement seuls 60 % des coûts des écoles privées subventionnées sont payés par l'État. Pour la directrice de Créer son école, il faut considérer l’effet que la concurrence aurait sur les frais d’exploitation des écoles publiques. En effet, les écoles privées en France, notamment, parviennent à éduquer un enfant pour nettement moins qu’une école publique. Une concurrence devrait faire baisser les dépenses en éducation. [Notons qu’au Canada et au Québec l’enfant instruit à l’école publique coûte de plus en plus cher au contribuable sans que les résultats n’augmentent, bien au contraire. Actuellement, un élève dans le privé coûterait au gouvernement québécois 48 % (et non 60 %) de ce que coûte un élève dans le réseau gouvernemental, soit deux fois moins cher.]

Pour montrer qu’une école libre raisonnablement financée peut changer les choses, même dans les quartiers difficiles, la Fondation pour l’école a décidé de créer une école à Montfermeil, l’école Alexandre-Dumas. Montfermeil est l'une des banlieues difficiles où se sont déclenchées les émeutes de 2005. Toute l’équipe enseignante est catholique; 85 % des élèves sont musulmans. Mais cela ne pose pas de problèmes, bien au contraire, car il existe chez les musulmans une tradition d’écoles tenues par des catholiques. Les parents musulmans aiment l’école catholique où ils retrouvent un souci pour une morale traditionnelle et un respect des parents comme premiers éducateurs de leurs enfants.

La création de cette école a suscité une grande couverture médiatique, la hiérarchie catholique l’a également chaleureusement saluée, elle qui est habituellement si discrète quand une école catholique non subventionnée ouvre. L’école Alexandre-Dumas accueille 85 élèves de tous niveaux et toutes origines, à Montfermeil. Les élèves portent l’uniforme, costume cravate pour les enseignants, vouvoiement de rigueur, accent sur la maîtrise de la langue française en primaire, activité physique à raison de 7 h 30 par semaine. L’établissement est financièrement accessible (750 euros par an , soit environ 1100 $/an, avec possibilité de bourse), la pédagogie est sur mesure, les rythmes scolaires  sont adaptés, les déjeuners partagés avec des professeurs disponibles de 7 h 45 à 19 h, le lien est étroit avec les parents.

Alors qu’il est impossible d’aimer la France dans le réseau scolaire publique (la dépréciation de la tradition française y étant fréquente), cet établissement favorise l’intégration à la France et le respect de ses symboles. C’est ainsi que le drapeau tricolore est hissé tous les jours, « c’est à ce moment que les journalistes présents se sentent habituellement défaillir », d’ajouter malicieusement l’énarque.

Et la présentation continue avec le même dynamisme communicatif, la même verve. Elle séduit visiblement son auditoire. Au fur et à mesure de ses astuces utiles pour monter son école, à chaque nouvelle confidence livrée avec candeur et humour, on sent que l’assistance qui regroupe parents, prélats et professeurs se met à réfléchir sur comment transposer ces conseils ici.

8. M. Dominique Boily

Enfin, Monsieur Dominique Boily, père de huit enfants, a présenté de manière originale l'école Notre-Dame du Mont Carmel grâce à une jeune demoiselle qui a interprété La Nuit de Rameau et un jeune homme qui a déclamé un poème de tradition canadienne française fièrement revendiquée.

L'école Notre-Dame du Mont Carmel a été fondée en 2007 par quelques parents soucieux de transmettre à leurs enfants un enseignement complet intégrant la foi, la personnalité et l'intelligence. Afin de jouir d'un maximum de libertés, l'école N.-D. du Mont Carmel s'est établie en Ontario, à Ottawa, à quelques encablures du Québec. L'institution, enregistrée auprès du ministère de l'Éducation de l'Ontario, jouit du soutien de l'archevêque d'Ottawa, Mgr Terrence Thomas Prendergast, sj. L'école se veut résolument traditionnelle et valorise la transmission des connaissances. Elle offre un programme rigoureux dans les matières de base enrichi par une ouverture sur l'histoire de France et le latin.

L'école Notre-Dame du Mont Carmel ne dispose d'aucune subvention publique et ne fonctionne qu'à l'aide des frais de scolarités payés par les parents et des dons de ses généreux bienfaiteurs. Conscient du fait que les familles qui fréquentent l'école font déjà d'importants sacrifices, la direction travaille d'arrache-pied pour s'assurer que les frais demeurent les plus bas possibles (voir ici les frais et les aides financières disponibles).

Les élèves de l'école N.-D. du Mont Carmel (2012-2013) et leurs enseignants


Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

3 commentaires:

mithys a dit…

Suite et fin de mon commentaire :
Dans la plupart des pays intellectualisés, on observe heureusement un rejet de la soumission religieuse et une aspiration croissante à l'autonomie de la conscience et à la responsabilité individuelle. Mais face à cette chute libre de la religiosité, les religions (sauf l'islam, qui signifie soumission totale à tous points de vue) réagissent par des tentatives de reconfessionnalisation des consciences, de réinvestissement de l'espace public, notamment médiatique, et par la recléricalisation de la politique, notamment européenne. Mais ce sera en vain ...

Votre commentaire m'intéresserait vivement.
Je vous en remercie déjà.
Cordialement,

Michel THYS, à Ittre, en Belgique.
http://michel.thys.over-blog.org/article-une-approche-inhabituelle-neuroscientifique-du-phenomene-religieux-62040993.html

Anonyme a dit…

Merci beaucoup de ce résumé.

Habitant trop loin je n'ai pu m'y rendre.

Anonyme a dit…

Le commentaire ci-haut n'a pas de sens, car "les religions" résultent de l'engagement des consciences, qui donc favorisent tout naturellement cet engagement, cela fait partie des libertés fondamentales. Il est absurde de dire que l'engagement de conscience est incompatible avec l'autonomie de la conscience religieuse, particulièrement dans le domaine scolaire et familial.